Demain soir mercredi, je serai à l’antichambre avec Danièle Sauvageau pour parler de notre conquête de la médaille d’or à Salt Lake City en 2002! Kim St-Pierre devait aussi y être mais elle attend son premier enfant d’une journée à l’autre!
Mes souvenirs…
Encore aujourd’hui, on me parle encore souvent de ce match… de ce match du 21 février 2002 où des millions de canadiens et canadiennes ont vu mon équipe, le Canada, battre l’équipe américaine 3 à 2 à Salt Lake City, Utah devant une foule américaine partisane. On se rappelle distinctivement de nos 13 pénalités contre 4 du côté américain. Un total de 26 minutes, près de la moitié du match passé en désavantage numérique, décernées par le fait même par une arbitre américaine. Des milliers de téléspectateurs ont criés à l’injustice et au scandale mais plus les pénalités s’accumulaient, plus notre équipe jouait avec l’énergie du désespoir et gagnait la confiance de croire de nous pouvions réussir l’impossible. J’avais 21 ans à l’époque. Salt Lake City étaient mes premiers Jeux Olympiques! Je n’oublierai jamais cette foule. L’intensité des cris au début du match! Les ‘’USA – USA’’ sans arrêt. Si fort, que j’avais l’impression que l’aréna en tremblait. Je ne me souviens pas de ma première présence sur la glace tellement j’étais nerveuse! Cette foule allait certes bien me préparer pour l’extraordinaire accueil que nous avons reçu aux Jeux Olympiques de Vancouver en 2010, une foule qui nous a donné tellement d’énergie vers la conquête de notre médaille d’or et qui devait tant être intimidante pour nos adversaires.
Ce que les gens ont souvent oublié de 2002, c’est le parcours qui nous a amené jusqu’à la médaille d’or. Nous avons centralisé le 1er Août 2001 pour Calgary pour presque 7 mois d’entrainement intensif pour nous préparer pour les Jeux Olympiques. Ces sept mois allaient devenir la période d’entraînement la plus intense que j’avais connu jusque là dans ma jeune carrière avec l’équipe Nationale. C’était aussi la première fois que je déménageais de la maison et que j’allais devoir cuisiner par moi-même. Avec ma bonne amie Kim St-Pierre, nous avons trouvé une propriétaire qui louait deux de ses chambres. Nous sommes déménagées avec cette parfaite inconnue dans cet environnement d’entraînement que nous ne connaissions pas et qui nous faisait très peur. Notre premier championnat du monde était en 1999 donc nous nous apprêtions à vivre notre première expérience Olympique. Danièle Sauvageau fut notre entraîneure lors de notre premier championnat du monde et elle nous a beaucoup aidées à prendre de la maturité, à comprendre les attentes qui étaient placées en nous et à atteindre notre potentiel en tant qu’athlètes. Je ne peux imaginer la pression qu’elle avait sur les épaules vers Salt Lake City et je l’admire beaucoup d’avoir cru en son plan de préparation à travers toutes les épreuves que nous avons traversées.
Nous avions remporté le championnat du monde en Avril 2001 à Minneapolis en grande partie grâce aux arrêts miraculeux que Kim St-Pierre avaient réussis ce soir là devant les filets lors de sa première finale de championnat du monde en carrière. Nous avions été largement dominées par l’équipe américaine ce soir là et le résultat aurait été bien différent sans Kim qui avait été nommée sans surprise la meilleure gardienne du Championnat. La raison de cette domination était simple, les Américaines s’entrainaient ensemble à temps pleins depuis le mois d’août 2000 tandis que nous avions eu environ 10 jours pour nous préparer en équipe.
Lors de la centralisation olympique, nous avons perdu 8 matchs consécutifs aux mains des américaines qui avaient nettement un avantage grâce à leur préparation antérieure. Le point tournant de notre parcours vers Salt Lake City fut selon moi le 8e et dernier match préparatoire que nous avions joué à Vancouver. Une défaite de 3 à 2 après avoir mené 2 à 1 pour la plupart du match jusqu’à ce que les Américaines marquent 2 buts en fin de 3e période pour se sauver avec la victoire. Nous avions pourtant presque doublé les américaines au chapitre des lancés. Deux choses se sont produites après ce match: nous avons premièrement réalisé que nous pouvions les dominer et ça côté confiance c’était important pour notre équipe. Mais nous devions aussi voir en face la réalité que si ce match était notre meilleure performance, ce n’était pas assez pour devenir la meilleure équipe au monde. Je me souviendrai toujours de l’intensité de l’argument qui avait éclaté dans notre chambre après le match. Parce qu’on ne pouvait pas se contenter d’être satisfaite de nos progrès. Ce n’était pas encore assez pour faire de nous les prochaines championnes olympiques. Plusieurs vétérantes étaient à Nagano lorsque le hockey féminin avait fait ses débuts aux Jeux Olympiques et que les États-Unis avait remporté la finale olympique. Je pense qu’on ne peut certainement pas avoir de plus grande motivation que de vivre cette déception surtout lorsqu’on doit attendre quatre longues années pour obtenir une chance de se reprendre! On peut se consoler en se disant qu’au hockey, nous avons 60 minutes pour le faire tandis que certains athlètes s’entraînent pendant toutes ses années pour une descente, une course, pour parfois moins de une minute aux Jeux Olympiques!
Donc il nous restait environ 10 semaines pour augmenter l’intensité de nos entrainements pour mettre toutes les chances de notre côté pour gagner le seul match qui comptait: le 9e duel cette saison là et la finale à Salt Lake City. Partout dans les médias, on nous prédisait la médaille d’argent. Même si on ne croyait plus vraiment en nos chances, on savait au sein de notre équipe que nous pouvions déjouer les prédictions. Nous n’avions pas aucune pression. Nous savions que nous allions jouez chez elles devant des milliers de personnes qui s’attendaient à voir la continuation de ce qui était décrit comme une domination américaine. Nous ne voulions pas gagner en étant chanceuses lors de la finale, nous voulions gagner en prouvant que nous étions la meilleure équipe et que nous avions eu raison de croire en notre préparation qui allait nous permettre de ‘’peaker’’ (ou d’exceller) au bon moment!
Mes coéquipières et moi n’oublieront jamais qu’en demi-finale, nous perdions 3 à 2 contre la Finlande après 2 périodes jusqu’à ce que Hayley Wickenheiser marque en début de 3e période le premier de cinq buts sans riposte vers une victoire de 7 à 3. Je me souviendrai toujours de cette façon désespérée dont nous avons joué cette période! Sans quoi nous nous serions retrouvées dans le match de la médaille de bronze. C’était encore un autre obstacle qui s’élevait devant nous cette saison là.
Cette demi-finale nous a aidé à garder notre calme pour la finale lorsque nous recevions une pénalité après l’autre et qu’elles semblaient plus ridicules les unes que les autres plus le match avançait. Je n’oublierai jamais le calme et le focus des vétérantes de notre équipe. Menées par le superbe travail de Cassie Campbell, Hayley Wickenheiser, Vicky Sunohara, Lori Dupuis et Thérèse Brisson et le respect du plan en désavantage numérique, nous avons réussi à terminer le match en se sortant de 11 désavantage numériques sur 13. J’ai beaucoup appris de ses leaders sur notre responsabilité de représenter le Canada avec fierté et avec cette marque de commerce qui nous représente bien en tant que canadiens: celle de ne jamais abandonner. Kim avait été extraordinaire devant les filets réalisant 27 arrêts. C’est surtout la confiance qu’elle affichait qui nous a aidées à jouer avec beaucoup d’assurance. Si la gardienne joue avec confiance, l’équipe en fera de même. Il n’y a pas de leaders plus influençant selon moi lors d’un match de hockey. C’est sans aucun doute la position la plus importante et la plus difficile à la fois! Si Kim était nerveuse, jamais elle ne nous la laissée paraitre. Je n’aurais jamais pu vivre avec cette pression, et en plus je porte mes émotions comme je porte mon linge. Le but de Jayna Hefford à une seconde de la fin de la 2e période nous a propulsé à mener le match 3 à 1 et permis de respirer un peu mieux. Je me souviens quand même qu’après la 2e période, l’attitude des filles dans la chambre était affectée par l’arbitrage et il y avait beaucoup trop d’émotions fortes. Et ce, jusqu’à ce qu’une des plus gênées de l’équipe ramène tout le monde à l’ordre en nous criant ‘’Emerald Lake’’, notre dicton cette année la pour nous calmer et nous aider à retrouver en quelque sorte la paix intérieure lors d’un moment chaotique. Toutes les filles sont parties à rire et je sentais à ce moment là que nous allions réussir à traverser tout ce qui nous attendait en 3e période. Je n’ai pas joué beaucoup lors de ce match, très simplement parce que je ne jouais pas en désavantage numérique. Et je savais très bien que je ne méritais pas de jouer lors de ces occasions. Il y avait plusieurs joueuses beaucoup plus expérimentées que moi. Je savais qu’un jour j’aurais ma chance d’être une de ses joueuses qui évoluent dans toutes les occasions. Je n’étais simplement pas encore à ce niveau. C’est cette motivation qui m’a fait continuer à travailler toujours plus fort vers Turin en 2006 et Vancouver en 2010. Je voulais avoir l’impression d’avoir fait une différence pour mon équipe. Et qui sait ce qui m’attend si je réussis à me rendre en 2014 à Sochi. On ne choisit jamais son rôle. Mais on choisit toujours comment on réagit et notre attitude face au rôle que l’on se voit confier par nos entraineurs. En 2002, nous étions plusieurs jeunes qui ont choisit d’être là du début à la fin pour encourager et tenter de donner de l’énergie à nos coéquipières qui ont joué de nombreuses minutes dans ce match. Parce que à la fin, on se rappelle seulement de la couleur de la médaille et non de celles qui ont marqué les buts.
Encore aujourd’hui, je me rappelle des dernières secondes du match qui ont semblées durer une éternité. Je n’oublierai jamais la célébration, la pile de joueuses sur Kim. Des cris de joies de mes coéquipières. Et même du silence dans la foule. De ma mère que j’avais pu trouver. De sa joie et de la reconnaissance que je lui portais en ce moment précis. De la surprenante pesanteur de la médaille d’or autour de mon cou. De la joie et des larmes de mes coéquipières à cet instant. D’avoir pensé que tous ses efforts en valaient tellement la peine pour cette euphorie de quelques heures. Que cette réalisation allait être la nôtre à tout jamais. Je me souviens de notre hymne national, d’avoir regardé notre drapeau s’élevé vers le sommet de l’aréna. Des moments magiques passés sur la glace portant encore tout notre équipement quelques heures après le match pour prendre des photos qui sont restées dans mes plus mémorables. De la pièce de $1 dans la glace. Finalement, je n’oublierai jamais ce groupe d’athlètes, entraîneures et staff qui avaient traversé une année remplie d’épreuves en croyant toujours que nous pouvions se servir de toute cette adversité pour apprendre, progresser et devenir la première équipe féminine Canadienne a remporté la médaille d’or olympique en hockey.
Cette médaille est la raison pourquoi je joue encore, 10 ans plus tard, dans l’espoir de revivre de telles émotions qui j’en suis certain, seulement le sport peut me procurer!
Merci d’avoir pris le temps de me lire!
Caro