Je fais partie d’un groupe de joueuses accomplies. Près d’une dizaine d’entre elles sont les capitaines de leur équipe.

Hayley Wickenheiser, Jayna Hefford, Catherine Ward et Gillian Apps ont toutes fièrement porté le « C » cette saison. Mais seulement l’une d’entre nous devait assumer le rôle de capitaine à Sotchi. J’ai été l’heureuse élue…

Je vous avouerai que j’ai été très surprise d’être choisie. Honorée aussi. Il s’agit de l’un des plus beaux défis de ma carrière. Et je vais m’inspirer de celles qui m’ont précédée, dont les Québécoises France St-Louis et Thérèse Brisson. Ces deux femmes, que j’admire, m’ont inculqué des notions de leadership qui m’ont été fort utiles durant toute ma carrière.

Je garde aussi en mémoire les paroles de mon ex-entraîneur universitaire Shannon Miller. Elle décrivait le leadership comme un verre à moitié plein qu’il fallait remplir. Une bonne meneuse s’accorde de l’espace pour guider et soutenir ses coéquipières, mais aussi pour recevoir l’énergie et le savoir des joueuses à ses côtés.

J’ose croire que le leadership se définit par les actions que chaque joueuse est prête à poser afin de faire la différence. C’est la beauté du sport d’équipe. Si nous arrivons à nous donner confiance jusqu’à se croire invincibles, nous serons prêtes à traverser les épreuves devant nous…

Oui, nous avons bravé plusieurs tempêtes récemment. Est-ce que notre séquence de défaites est inquiétante? À première vue, peut-être. Mais chaque parcours préolympique a ses similitudes et ses périodes creuses. Je me souviens clairement, entre autres, d’un discours orageux de notre entraîneuse Melody Davidson en janvier 2010 dans notre vestiaire. Je vous épargne les détails de l’échange, mais elle nous avait savonnées comme jamais auparavant après une contre-performance.

On le méritait sans doute, mais ce n’était pas en raison d’un manque de conviction ou d’efforts. Dans toute sa sagesse, ma coéquipière Jayna Hefford avait tenu à rassurer l’équipe en nous rappelant que nous étions simplement épuisées physiquement et émotionnellement. C’est un bon exemple de leadership.

Il va sans dire que nous avons vécu une préparation olympique tumultueuse remplie de changements. Mais comme nous le rappelle souvent notre psychologue sportif, Peter Jensen : la seule certitude dans la vie, c’est le changement! À ce chapitre, nous avons sans aucun doute goûté à notre part du gâteau en 2013…

Nous avons bien sûr vécu le départ soudain de notre entraîneur Dan Church, mais aussi le retranchement en cours de route d’une coéquipière de longue date en Tessa Bonhomme. Maintenant, nous devons nous adapter à un nouveau leadership. Comme vétérane, je crois qu’il faut avoir la maturité de ne pas résister au changement, et l’aborder plutôt comme un nouveau défi qui solidifiera notre équipe.

J’ai une pensée pour mes partenaires des sept derniers mois qui ne nous accompagneront pas à Sotchi. Notre équipe est meilleure aujourd’hui grâce à Courtney, Bailey, Tessa, Vicki, Jenelle, et Brigette qui nous ont poussées à nous surpasser. Courtney Birchard et Bailey Bram sont même demeurées à nos côtés dans un rôle de réservistes après avoir été retranchées. Nous pouvons seulement imaginer leur peine (sans la comprendre totalement) d’avoir eu à vivre une telle fin de parcours. Je tiens à souligner leur courage et leur professionnalisme.

Un entraîneur clair et précis

L’entraîneur-chef Kevin Dineen est fortement apprécié par les joueuses. Il a la qualité d’être clair dans ses demandes. Chacune d’entre nous aura un rôle précis à accomplir. Mais certaines auront des tâches difficiles à accepter. C’est normal, nous voulons jouer dans toutes les situations, mais ce n’est pas possible. Les entraîneurs choisissent les joueuses qu’ils croient capables de faire gagner l’équipe. Comme vétéranes, ce sera notre mission de nous assurer que toutes les joueuses sont prêtes à accepter leur rôle au sein de l’équipe…

J’aime bien d’ailleurs cette citation du regretté et grand entraîneur Herb Brooks pour décrire la réalité de toute équipe formée de joueurs d’élite.

« Ils (les joueurs) veulent tous jouer en avantage numérique. Cela fait partie du processus de formation d’une équipe étoile. Ces équipes peuvent parfois imploser en raison des ego et du narcissisme des joueurs. »

Je crois que Kevin Dineen possède cette capacité d’amener notre équipe à un niveau jamais atteint. Sa belle complicité avec ses adjointes Lisa Haley et Danielle Goyette est évidente. Kevin apporte l’expertise unique d’un joueur et entraîneur de la LNH. Il a eu la chance de côtoyer les meilleurs entraîneurs et joueurs du monde.

Samedi dernier, il m’a lui-même annoncé la nouvelle de ma nomination comme capitaine avant un entraînement. Oui, je suis vraiment motivée à remplir ce rôle pour aider mon pays à gagner une quatrième médaille d’or d’affilée aux Jeux. Nous sommes maintenant en Autriche, où Hockey Canada a choisi de nous faire compléter notre préparation olympique avant notre départ pour Sotchi.

Nous nous réjouissons d’avoir terminé la phase la plus difficile de nos entraînements. Je n’ai aucun doute que cette équipe, une fois reposée, aura une toute nouvelle énergie. Nous ne nous sommes jamais entraînées aussi fort. Les filles sont dans une condition physique extraordinaire. Dorénavant, nos séances sur la glace seront plus courtes. Les entraînements seront axés sur l’exécution.

En plus de disputer deux matchs contre des équipes masculines autrichiennes, nous allons profiter de ce séjour pour nous adapter au nouveau fuseau horaire. Les entraîneurs ont prévu beaucoup de repos. Nous aurons donc un peu de temps pour visiter ce pays dont je n’ai entendu que de bons commentaires, notamment de la bouche de mon père André qui est un grand voyageur.

En dépit de son goût pour l’aventure, mon père n’a jamais assisté aux Jeux. Sotchi sera (enfin) sa première expérience olympique. En Russie, il sera accompagné de ma mère Nicole. Je les vois déjà dans les gradins avec leurs manteaux rouges canadiens identiques sur le dos, prêts à encourager l’équipe et à afficher leur fierté débordante qui parfois peut m’embarrasser! Mais comment leur en vouloir?

Si je suis aux Jeux, c’est d’abord grâce à eux. Nicole et André ont cru à mon rêve olympique avant moi. Et aujourd’hui, capitaine ou non, j’ai le devoir avec mes coéquipières de ramener l’or au pays.